Définition et emplacement.
Il s’agit du pavé à damiers noirs et blancs que l’on retrouve dans toutes les loges et sur lequel se trouve le Naos, lieu sacré où sont disposés les outils consacrés ( équerre, compas et règle au rite de MM :.) et tracé le tableau de loge.
Juste devant se trouve d’ailleurs l’encensoir qui, dés l’ouverture des travaux, reçoit l’offrande de sa fumigation qui monte vers les cieux pendant l’invocation de notre VM :.
Il est enfin entouré de 3 jeds où sont posés des étoiles allumées correspondantes à la TriLogie Force sagesse et Beauté
Le Pavé Mosaïque apparaît cependant sous des aspects différents, en fonction de la manière traditionnelle de travailler de la loge.
On remarquera ainsi que dans les rites Modernes, dont le Rite Français et le Rite Ecossais Rectifié sont les représentants, et même de l’ancienne Egypte, ce pavé recouvre le sol du porche du Temple, situé en haut des 7 marches qui seront peu à peu gravies par le Maçon, au cours de sa carrière symbolique et de son évolution en conscience. En revanche, la béance noire de la porte même du temple ne permet pas de voir s’il y a continuité dudit pavé à l’intérieur de l’édifice.
Dans les rites de type Ancien, la situation est notablement différente. Ainsi, chez les Anglo-Saxons, le Pavé Mosaïque fait-il partie intégrante de la Loge, dont il recouvre en général le sol.
Au cours des cérémonies, les Frères (et sœurs) évolueront ainsi sur celui-ci ou plutôt au dessus de celui-ci. De plus, les Planches Tracées, illustrations assez proches des tableaux de loge des Modernes, représentent sans équivoque l’intérieur du Temple du roi Salomon entièrement pavé de damiers noirs et blanc.
Le Rite Ecossais Ancien et Accepté et le rite ancien et primitif de Mem :. Misr :. , employant pour sa part le tableau de loge des Modernes, fait donc figurer le pavé devant l’entrée du temple.
De plus, au centre de la loge, dans un périmètre en général défini par les trois grands chandeliers de différentes hauteurs et dont les flambeaux ont aussi différentes couleurs symboliques (blanc, vert, rouge), se trouvent un morceau de ce pavé-limité à quelques rangées, autours duquel se font les circumbulations au cours de toutes les marches ou cérémonies exécutées en Loge.
On notera, ce qui est important pour la suite du texte, que les frères (et sœur)s évitent scrupuleusement de marcher sur ce pavage central.
Les interprétations données au Pavé Mosaïque.
Les rituels sont souvent d’une discrétion remarquable sur le sens symbolique du pavage. C’est ainsi qu’on nous enseigne que celui-ci étant un des « ornements » de la loge, il est « l’emblème de l’union intime qui règne entre Maçons et le microcosme de l’atel :.».
Le Rite Ecossais Rectifié, dans son grand dépouillement, se montre très discret sur ce sujet. Le rite Ecossais Ancien et Accepté est complètement muet sur ce point.
Les rites Anglo-Saxons sont cependant un peu plus précis.
Nous prendrons comme exemple le Rite Emulation, qui déclare que « le Pavé Mosaïque peut-être justement considéré comme le merveilleux dallage d’une loge de Francs-Maçons en raison de sa diversité et de sa régularité. Ceci fait ressortir la diversité des êtres et des objets dans le monde, aussi bien ceux qui sont animés que ceux qui ne le sont pas ».
Les Conférences Emulation donnent une définition semblable, remarquant cependant que cette mosaïque a été introduite en F.M parce que « l’homme portant ses pas à travers les hasards de la vie, et ses jours étant successivement marqués par les événements, son passage dans cette existence, bien que parfois favorisé de bonheur est souvent accompagné d’une foule de maux […] Et tandis que nous marchons sur cette mosaïque, que nos pensées retournent vers la réalité qu’elle symbolise […] »
Ceci représente d’ailleurs l’opinion de nombreux auteurs. Samuel Prichard pense que le Pavé Mosaïque remonte à 1730 environ.
Alex Horne, pour sa part parlant de « mosaïque », fait allusion à Moïse. C’est aussi l’opinion du Docteur Olivier qui pense que l’allusion se rapporte au pavage du Tabernacle « dont la méthode d’assemblage fut, pour la circonstance appelée mosaïque ».
Nous mentionnerons également deux aspects opératifs du Pavé Mosaïque, qui n’apparaissent que peu convaincants, Hélas.
La première idée tend à faire de ces motifs une sorte de quadrillage qui aurait permit aux Maîtres de dessiner leurs épures, ceci comme une gigantesque feuille de papier millimétré. Il paraît peu vraisemblable que les responsables d’une construction importante aient pu attendre que le pavage soit posé (souvent tardivement) pour y dessiner et, à l’époque graver- des traits qui en auraient définitivement terni le bel aspect recherché.
L’autre idée, régulièrement exposée par un frère chargé de faire visiter la Grande Loge Unie d’Angleterre aux Maçons de passage et à leur famille, est attribuée par celui-ci à un Passé Maître de la prestigieuse Loge de recherches Quatuor Coronati.
Elle a trait au déversement de sable ou de sciure de bois comme agent abrasif et nettoyant sur les parquets des anciennes auberges Anglaise. Le plus jeune Apprenti entré, après avoir effacé le tableau de Loge tracé sur le sol à la craie, au moyen d’un seau d’eau et d’une toile, devait alors répandre le sable sur le sol.
L’hypothèse avancée est que certains jeunes Frères, plus inventifs, auraient au moyen d’un balai, réalisé des traits se croisant à angles droit, donnant ainsi naissance à ce que nous connaissons aujourd’hui. L’histoire a l’avantage d’être belle, même si elle n’est guère convaincante.
Enfin avant de conclure, il faut se rappeler que l’impétrant se trouve allongé au pied du carré long magique et qu’il est relevé de façon traditionnelle et sacerdotale par le VM :. en quête de notre Ill :. M :. avant sa propulsion vers la porte d’Orient.
« car c’est à l’Orient que se tient la lumière et que c’est la seulement que vous pourrez la trouver … sic transic gloria mundi »
Conclusions
L’origine biblique d’un pavage spécial existant dans le Saint des Saints semble bien établie. Sa situation même lui interdisait d’être foulé par l’homme, à l’exception du Grand Prêtre le jour du Kippour, le « Cohen Gadol » ,ce qui fait apparaître la disposition du Rite Ecossais Ancien et Accepté ainsi que celui de Mem :. Misr :. comme étant la plus proche de celle des Ecritures.
En revanche, sa configuration en damiers noirs et blancs, telle qu’elle apparaît dans les loges, n’est pas bibliquement attestée pas plus que le nombre de carrés noirs et blancs.
Elle prend cependant toute sa valeur symbolique dans les instructions des Rituels Français et surtout Emulation. Ceci enlève alors- sans les interdire cependant- toute nécessité aux interprétations par trop dualistes (Yin et Yang, Bien et Mal etc .)
C’est bien par la dimension verticale, tournée vers Dieu, que curieusement, le Pavé Mosaïque, plan par définition, arrive à la plénitude de son sens profond.
« Que ce parfum de suave odeur apaise nos âmes et nous rendent fraternels les uns pour les autres … »
« Que nos yeux voient, que nos Oreilles entendent … et que nos Ames Comprennent …. »
« Car c’est par sa con-science que l’homme est relié au DIVIN … »
J’ai dit
Evoquer l’accession au sacré relève en quelque sorte d’une gageure.
En effet, le sacré, si je devais le définir, est par excellence ce «qui ne peut être circonscrit par des mots » Tenter d’exprimer l’indicible, l’intimité de mon être confronté à ce que le dépasse, à ce qui lui échappe, voilà en synthèse la douloureuse tâche qui m’incombe ce soir.
Si l’idée même de sacré se dérobe à la pensée, l’homme est cependant en mesure de l'éprouver. Le parcours initiatique du 9éme degré nous livre, en effet, un champ expérimental propre à nous faire toucher du doigt la dimension du sacré à travers la confrontation au meurtrier d'Hiram.
Cette confrontation va révéler l'ambiguïté originelle du sacré. Le « sacer » désigne en effet à la fois ce qui ne peut être touché sans être souillé et qui ne peut être touché sans souiller.
L'objet tabou est constitué de cette même ambiguïté : fascinant par les interdits qui pèsent sur lui et à la fois effrayant par le danger qu'il représente. L'aspiration au sacré relève de l'expérience de l'étrangeté du face à face vertigineux.
Elle induit tout naturellement de se replonger dans les angoisses fondamentales de l'humanité, de mon humanité.
Car engager un tel retour vers l'originel, le primordial c'est prendre délibérément le risque de s'enfoncer dans le chaotique.
L'ordre et ce qu'il suppose d'obéissance s'accommode assez difficilement de la recherche de l'essentiel. Mais l'homme peut-il faire l'économie de l'expérience du chaos ?
La parole est perdue et la quête soutenue par le manque. C'est l'inaccomplissement qui tend l'être dans le sens de sa réalisation. Nous somme ainsi tiraillé entre la tentation de l’innocence et sa perte nécessaire dans la recherche de la connaissance.
La situation mythique de l’humanité face à l’arbre de la connaissance nous livre une expression de notre condition humaine ; transgresser pour tenter d’acquérir une certaine forme de liberté. Liberté qui constitue la grandeur de l’être humain et qui suppose, pour être effective, l'éveil de sa conscience et une certaine connaissance du bien et du mal.
Nous sommes bien là au cœur de notre sujet, le chemin que nous propose le 9ème degré, par l’identification à Johaben, est significatif du processus nécessaire à ce travail de libération, d'actualisation de l'être
L’initiation au 9éme degré, conduit l’élu à « accomplir (nous dit le rituel) une action redoutable » : retrouver les meurtriers d’Hiram et les châtier. Cette confrontation constitue littéralement une épreuve, c'est à dire un moment de mise en difficulté. Un moment ou l'on éprouve et s'éprouve soi-même en allant au-delà des chemins du connu, en allant là ou nous "appelle le devoir" sans avoir pleinement conscience de son contenu.
En pénétrant à l’intérieur de la caverne l’élu accède au monde souterrain, ténébreux de sa conscience.
Une telle orientation correspond-elle a un comportement morbide ou au contraire a un comportement vital, nécessaire ?
La caverne, lieu mytique de l'humanité est marqué du sceau de cette même ambivalence; à la fois lieu de refuge et d'effroi.
S'engouffrer dans la caverne c'est engager une nouvelle plongée dans l'inconscient et se retrouver face à face avec les forces primordiales et violentes. Dans les ténèbres de la caverne règne l'indifférencié, magma informe ou tout est dans tout et réciproquement; le ventre obscure de la matière.
L'enjeu de l'épreuve est de retrouver au fond de soi les meurtriers d'Hiram, ce qui implique d'explorer ce moi primitif, zone d'ombre de la conscience. Ce périple n’est pas une simple introspection complaisante c’est une véritable confrontation.
Tenter de discerner, tel est le combat à livrer à l'intérieur de soi. L'autre, l'adversaire c'est le dédoublement indispensable, le catalyseur nécessaire pour diviser, distinguer (moi/ non-moi, bien/mal, vie/mort) et agir. L'opposition Johaben/Abhiram est l'actualisation de la dualité fondamentale actif/passif. Deux forces s'opposent et résiste l'une à l'autre. Le monstre au fond de la caverne c'est ce péril intérieur, l'image d'un certain moi qu'il faut vaincre pour se développer.
L'expérience de la caverne s'apparente au creuset alchimique de la construction de soi. L'homme doit oser traverser son propre chaos pour pouvoir se structurer.
Dans son face à face Johaben est plongé dans une tension paradoxale ; «cet angoissant problème » qu’évoque le trois fois puissant maître. « Le meurtrier d’Hiram est devant lui (…) A t’il le droit de le tuer ? ». L’action et l’inaction sont l’une et l’autre périlleuse. Ne pas le tuer c’est accepter le mal sans lutter et se condamner, le tuer c’est transgresser les ordres et devenir soi-même ce que l’on combat ; un meurtrier. « Johaben saisit le poignard » et en s’associant à son principe actif il devient un meurtrier.
L'acte est venu rompre le cercle vicieux du paradoxe. Johaben s'est souillé du sang de sa victime il est devenu lui-même un meurtrier. Johaben s'est institué juge suprême : capable de donner la vie et la mort. "Le front de Johaben s'assombrit il se rendait compte de la gravité de son crime".
Johaben est surpris de la portée de son acte, cette surprise ouvre un cheminement réflexif celui de la conscience après l'acte ; la culpabilité. Cette culpabilité, si elle ne prend pas les traits de la pathologie du scrupule, implique un véritable progression intérieure. Johaben ne fuit pas ses responsabilités, il se présente devant Salomon prêt a répondre personnellement de son acte. Salomon lui pardonne, et en ne le condamnant pas, il le laisse face à lui-même. Il l'oblige ainsi à s'humaniser ; c'est à dire devenir sensible au mal qu'il a commis et qui demeure irréparable. L'acte incontrôlé de Johaben le place dans l'étroitesse de ses limites et l'incite à plus de sollicitude à l'égard de lui-même et à l'égard d'autrui.
Le meurtre commis par Johaben est l'expression d'un dualisme poussé à outrance : la victime et le coupable. Conflit diabolique ou tout est divisé, séparé. Par un paradoxal retournement, le coupable devient victime et la victime coupable.
A l'image du processus symbolique, il s'opère, à l'occasion de cette initiation, la réunion des contraires. L'inacceptable, que Johaben projetait à l'extérieur de lui, revient tel un boomerang heurter et interpeller sa conscience fautive et l'oblige à rassembler ce qui était divisé.
En quoi ce processus, ces événements contribuent-ils à l'accession au sacré ?
Comment l'évidence du meurtre d'Abhiram prend t-elle la forme d'un sacrifice ?
Le chemin de la connaissance et de la parole perdue après l'initiation au 9ème degré ne peut plus être du coté d'une volonté de l'omniscience (du coté du tout) mais s'inscrit clairement désormais du coté de la quête de la conscience (être avec).
Le sacrifice du coupable c'est à mon sens cette "conversion du regard" qui consiste à accepter d'abandonner une part de soi-même, de détruire cette tentation de l'homme total, totalisant et totalisateur.
C'est devenir un homme conscient de ses limites, de ses contingences, un homme capable de s'inscrire dans le grand schéma de la création. Ce processus fait clairement écho au Tsimtsoum, ou en se retirant Dieu laisse la place pour que l'univers puisse exister.
J'ai dit
Le R ite vous a investi des titres de « Chevalier de l’Aigle Noir », « Chevalier de l’Aigle », « Chevalier de Saint-André », « Chevalier du Pélican », « Chevalier Rose+Croix ».
Vous agissez dans l’espace du « signe » et du « contre signe », de la Terre au Ciel, et dans le sillon des vallées. « Trente trois ans » est votre âge, période moyenne séparant deux équinoxes de printemps consécutives, et trois ternaires à l’œuvre dans l’arbre sephirothique. Connaissant les mystères et la force de la croix, vous travaillez à tempérer les vicissitudes et effacer les turpitudes du monde, « pour retrouver la Parole Perdue, et pour permettre à l’Etoile Flamboyante de rayonner à nouveau ».
Ainsi, les « travaux [ayant] repris force et vigueur », les colonnes étant gravées, « lorsque le Temple sera consacré de nouveau, ses pierres mortes redeviendront vivantes, le métal impur sera transmué en or fin, et l’Homme recouvrera son état primitif de pureté et de perfection », si l’invocation rituelle du « Hoschée ! », votre « Sauve-nous » ou « délivre-nous » trois fois répété, s’infiltre dans l’âme du monde.
Chevaliers au service de l’harmonie du monde, vous avez été conçu dans le « sépulcre », vieil homme dissout dans la noire énergie de la « crypte » par « les secrets de l’après-mort », pour pouvoir reconstruire le Temple, en ayant connu les « Noms Divins » et retrouvé « la Parole Perdue ».
La batterie vous appelle à œuvrer selon les principes qui ont présidés à la création du monde, pour que refleurisse la rose au temps du divin repos, celui qui pour vous se transpose en cette paix profonde, extrusion de la parfaite maîtrise des possibilités de la condition humaine.
La formule existentielle de réintégration, ou le retour en l’Esprit Universel, l’assimilation en soi d’Emmanuel, sont établis par la « voie sèche alchimique » associée à la connaissance de « l’Astrologie surnaturelle ». Le travail accompli, l’« Horloge Céleste » sonne « l’heure où les ténèbres de la Tyrannie et de l’Ignorance ont pris fin, où la Lumière fut restituée à l’homme digne de ce nom, où l’Etoile Flamboyante, chassant devant elle les phantasmes de la nuit, monte à l’Orient du Monde, et se lève semblablement en notre cœur… »
Le chemin de cette quintessence passe donc au sein de la Terre par les lois de la ronde céleste, par le programme de cheminement spirituel qu’enseignent les énergies du Tétramorphe, à condition que le chevalier les accepte comme présences marquant le passage, la métamorphose, de la condition terrestre à la condition divine.
En effet, la mission du chevalier placée sous les auspices de la Charité est d’abord attachée à la Terre. Le Chevalier du Pélican inscrit ses actions dans le corps du temps comme autant de prières incises en la matière vivante. Matière triturée puis régie par les archétypes du Taureau et de Luc qui ouvrent les consciences à l’universalisme de l’être.
La grandeur de la spiritualité est attachée à la détermination de la bonne volonté. Il s’agit de dissoudre les turpitudes du vieil homme, d’en réaliser avec opiniâtreté le « solve » porté par l’espérance.
Se découvriront alors les fondements de l’existence et les mystères de l’univers. Mais c’est du feu de la Foi qui ensemence, de la volonté du Chevalier de l’Aigle Noir , de la magie du bâton fécondateur de l’amour, de l’opération « coagula » du Lion, que l’âme d’un enfant nouveau, l’adepte en germe, peut réellement paraître.
Ici Marc concrétisant les virtualités, fait l’âme courageuse et forte parce qu’elle s’ouvre à l’esprit.
Pour comprendre la vérité des choses, il faut posséder la clairvoyance du « suprasensible », diriger les forces de l’âme vers le spirituel afin de trouver la lumière d’une connaissance nouvelle. Alors, l’épée haute œuvre le Chevalier de l’Aigle, sous les auspices de Jean, la force de la parole qui fait avancer l’âme pour la « transfigurer ».
L’air s’enrichit de l’esprit, et la lumière brille dans le temple. La réalité du chemin peut être vue lucidement. Aussi, voici qu’«Andros », l’Homme accompli, ou réintégré, à voie ouverte par l’assurance du Chevalier de Saint-André.
Or l’angle de l’axe de la Saint Andrée, le 30 novembre, dans le Sagittaire avec l’axe des solstices, sur le zodiaque, est de 23°. A 26’ près on a donc l’angle de l’écliptique sur l’Equateur, c’est-à-dire l’angle de l’orbite terrestre avec le grand cercle de la sphère céleste décrite par le Soleil en son mouvement apparent. Le jour symétrique au-delà du solstice d’hiver, dessinant l’autre branche de la croix de Saint André, est le 12 janvier, fête de la Sainte Famille.
Plus rien ne pourra retenir prisonnier Matthieu le connaissant, le serviteur lucide de la Grande Déesse Mère. Voilà que notre Chevalier est projeté dans l’immensité du ciel, homme nouveau en conscience, cosmique. D’ailleurs en transcrivant en grec les saisons l’on obtient : le printemps « Anatolé », l’automne « Dysmé », l’hiver « Arctos », l’été « Mesembria », soit en associant les initiales, « ADAM ». Car par l’Amour des êtres, la Grâce opère. De la coupe l’eau sublimée s’évapore : le nouvel âge de conscience, établi.
Voici en quelque sorte esquissé une alchimie spirituelle, le schéma d’une « Voie Royale ». Et les occidentaux peuvent en trouver les clés, la révélation, dans l’« Apocalypse ». On peut y découvrir les processus par lesquels la conscience doit passer pour que l’homme se transmute. Elle affiche subtilement les applications et les implications psychiques et somatiques de la « transfiguration-déification ».
Il n’y a pas de techniques à acquérir, à proprement parler. Comme dans la voie «opérative» tracée par le « Mutus Liber ». L’on doit simplement et intérieurement être convaincu de la nécessité essentielle d’acquérir l’état de « fils de l’homme dans sa gloire ». Cela étant, avant de pouvoir « prendre place sur le trône glorieux », si le processus d’ouverture de la conscience s’enclenche, on devient d’abord lentement et progressivement un « Vivant ». Il n’y a pas besoin de savoir spécial (« Heureux les pauvres en esprit ») : si l’on ne veut pas demeurer à l’extérieur de cette voie mystique, il suffit de s’inscrire « ésotériquement » dans le programme porté par les archétypes déjà évoqués. En eux, la voie est.
Mais avant de pouvoir accéder à cette alchimie spirituelle, il faut équilibrer les manifestations du mental et de l’émotivité. En quelque sorte les rénover et stabiliser par des principes simples...
Le premier principe consiste à ne jamais dire ou penser : « je sais tout ça », ou « je maîtrise parfaitement ce sujet ». S’y abandonner c’est confier son identité sacrée aux souvenirs de l’intellectuel, tandis que doit émerger au contraire l’essence de notre personnalité, la partie de nous-mêmes qui transcende les limitations mentales habituelles. Il faut sortir de l’objectivité proclamée, de l’enfermement produit par le cerveau gauche, ouvrir les portes du cerveau droit. La figure des « 4 Vivants » peut révéler les façons d’entrouvrir la porte de communication entre les deux, et faire espérer ne plus rester coincé entre terre et ciel...
(Voir le tympan du portail de la cathédrale de Chartres, ou celui de l’église Saint-Trophime en Arles).
En ce travail alchimique, quel ordre suivre pour pouvoir entrer dans l’Œuvre : suivre la circonférence Taureau-Lion-Aigle-Homme/Ange, ou la croix Aigle-Taureau, Homme/Ange-Lion entourant le Christ en gloire ? Par quel chemin atteindre l’apogée de ce que nous devrions être ? Celui, en conscience, de l’implacable Divine Providence, ou les besogneux et subtils chemins de Jacques ?
Il est évident que les chemins passent par les trois états archétypes animaux, le vécu de ces 3 énergies «animiques», pour espérer la transfiguration de l’homme en dieu. En effet, ces 4 figures représentent la potentialité totale de la Vie Universelle, le Souffle manifesté dans la matière. Si Thomas en fait la synthèse des expériences : sa quintessence ouvre à l’état Christique.
Les 4 figures encore figées dans la pierre correspondent aux 4 Eléments : le Lion et le Feu, le Taureau et la Terre, l’Aigle et l’Air, l’Homme et l’Eau, dans leur état actuel de « mort ». C’est-à-dire qu’ils ne sont pas en plénitude : leur manifestation est ici adaptée au monde terrestre et humain, encore faut-il appréhender et s’approprier la vie qu’ils libèrent en l’humain. Il faudra posséder le feu pour vouloir transmuer le mercure et atteindre aux demeures spirituelles.
L’Alchimie à pour vocation de prendre une substance inerte et de lui insuffler la vie.
Elle considère que l’homme lui-même est encore inerte, un simple grain de poussière, égaré dans la Vie Universelle.
Si ces 4 images portent les archétypes, les états de conscience, les 4 niveaux d’existence par lesquels on doit passer pour naître à la vie spirituelle, alors porteuses d’évocations, elles deviennent des images effectivement « vivantes ».
Il faut apprendre à capter la vie dans ces pierres symboliques pour l’insuffler dans notre propre matière et nous rendre vivants. C’est utiliser le processus des images magiques. C’est aussi l’art du Chevalier R+C en « construction ».
La Cabale et toutes les grandes Traditions connaissent cette technique d’utilisation des images symboliques pour consigner la Connaissance.
Les Sages l’emploient pour que la réalité de la Création ne soit pas transmise déformée et altérée par les interprétations individuelles forcément partielles.
On dit que l’Arbre de Vie a été révélé par Dieu à Moïse sur le mont Sinaï. Mais en observant les turpitudes du peuple, son incapacité à recevoir la connaissance donnée par le divin, Moïse est redescendu de la montagne avec les tables de la Loi, les dix commandements pour seul trésor de l’humanité. Rabbi Siméon bar Yochaï voulait que la connaissance de l’Arbre de Vie ne se masque pas aux hommes pendant des siècles.
Reste en mémoire son interrogation pleurée : « Malheur à moi si je révèle ces secrets, et malheur à moi si je ne les révèle pas ».
En fait les images magiques ne demeurent magiques ni pour les indifférents, ni pour les cyniques. Elles transmettent une science de l’être afin de pouvoir accéder à la lumière divine qu’à ceux qui ouvrent le cœur et l’intelligence. Ils peuvent avoir accès à l’usage ésotérique des icônes, mandalas, ou de la Joconde : en état de contemplation profonde voir défiler les paysages de la vie, ou du moins ceux qui vibrent en eux ; et ces images révèlent en eux la Vie Universelle, par communion.
Mais on n’arrive pas là en ayant seulement échappé à l’emprise tyrannique du cerveau gauche un instant.
Il faut réaliser une « pénitence » complète, en grec une « méta noya », c’est-à-dire une conversion du mental, passer de la voie ésotérique à la Voie Royale par abandon justement de certains principes exotériques.
Alors, passant par les chemins de Jacques le Majeur, est-il possible, parvenu à l’état de sagesse, d’assumer le monde en soi-même, l’« œuvre du Père » dans la matière, c’est-à-dire devenir « Christophorus », Christophe le modèle des initiés ayant su traverser le torrent des passions et parvenir à « douze jours » de la Transfiguration.
Les « 4 Vivants » sont les clés suprêmes de l’initiation des hommes. Et devenir Roi, Prêtre et Prophète sont les trois étapes obligées de la Voie Royale. Mais ici l’homme seul ne peut rien : cette réalisation complète est œuvre divine. L’homme est impuissant à pouvoir vivifier seul les 4 Vivants…
Le second principe consiste à « vivre la véritable humilité », celle qui fait ressentir l’impuissance face à l’œuvre divine. Il s’agit de comprendre et ressentir, en se gardant de toute superstition, que l’aide et la grâce dans tous les instants de la vie sont des œuvres divines.
Le troisième principe consiste à « renoncer de soi à soi à tout désir d’accomplissement » ; « vivre sans émotion » le « ce que je vais faire, je le fais pour rien. » C’est l’expérience de la gratuité du cœur à tous les niveaux : être prêt à travailler sans but de récompense en retour. Seul le désir d’œuvrer pour le Bien doit demeurer. Et surtout ne pas espérer en secret devenir parfait. Pensez que chacun n’est qu’une cellule de l’Adam Kadmon : faire ce que l’on a à faire ici et maintenant un point c’est tout.
Le quatrième principe consiste à « renoncer à la loi du bénéfice ». Il s’agit d’aller vers l’autre sans besoin pour soi, sans intérêt fût-il lié à de hauts sentiments d’altruisme, car quelque part existe en secret un sentiment de compensation, de vacuité à supprimer. Il faut être entièrement Amour, gratuitement, parce que cela est la substance de vie. Mais pour atteindre cet état d’être, que de progrès à faire dans l’expression de l’amour humain ! Par exemple, comme premier pas, arrêter de considérer les éléments d’un couple « complémentaires ». La Femme et l’Homme sont chacun des êtres complets en soi. En réalité ils sont supplémentaires l’un pour l’autre. La complémentarité ne peut se voir à la rigueur que dans les fonctions respectives permettant d’accomplir les actes matériels de la vie commune.
Reste que le véritable chevalier R+C a effectivement intégré les quatre principes précédents. A l’origine de ces mutations, ou de cette entreprise d’alchimie spirituelle, l’impérieuse nécessité de « conversion » des états de conscience habituels.
Si cette volonté n’avait pas été une réalité intérieure, intime et tenace, il n’aurait pas pu espérer vivre cet état de généreuse vacuité. Le maçon qui souhaite atteindre l’efficience de ce titre initiatique doit aller dans les empreintes ici marquées. S’il ne le peut, il demeurera ce qu’il était au mieux au départ : un universitaire dévorant du savoir. Pour avancer dans la pratique de cette alchimie spirituelle il n’y a guère d’autre choix.
Ainsi le Chevalier R+C qui veut aider à ces conversions, peut proposer l’utilisation des images magiques dont il vient d’être question.
L’ordre dans lequel il peut proposer de travailler avec les 4 Vivants est fonction de l’avance de l’impétrant sur le chemin initiatique. Pour qui apprend à prendre conscience de ces archétypes en lui, il sera plus aisé de suivre le déroulement naturel des âges logiquement traversés : le taureau pour l’enfance, le lion pour l’âge adulte, l’aigle pour la vieillesse, l’Homme pour l’accomplissement.
Mais pour qui à intégré ces expériences possibles, l’ordre devient : l’Aigle, le Taureau, l’Homme, le Lion. Cela doit éveiller en lui les capacités liées aux trois fonctions propres aux initiés d’autrefois : celles du Roi, celles du Prêtre, celles du Prophète. Et le récit de la vie du Christ n’est rien d’autre que l’enseignement relatif à l’acquisition de ces trois fonctions, dans le parcours cosmique de l’Intelligence solaire. Manifester ces trois fonctions est le summum de l’initiation de la Voie Royale.
En tant qu’image magique le Lion a pour archétype, pour énergie, dans la Création : le Lion cosmique. Il est à considérer comme la projection sur Terre d’une force d’origine divine. Ce qui est une absurdité pour les occidentaux actuels. Mais on ne peut pas se lancer dans les processus de l’alchimie spirituelle si l’on oppose aux symboles des Anciens le barrage du raisonnement de l’homme moderne.
Le procédé des Anciens demande de mettre le mental en résonance avec la symbolique véhiculée par l’image magique, de manière à assimiler l’énergie de l’archétype auquel renvoie cette image. L’énergie de l’archétype est comme une densification permanente de la « force-archétype » cosmique. Il faut admettre intimement que le monde de la matière est relié par condensation au monde de l’Esprit. Affabulation, concluent les « modernes » : cette vision des choses n’a pas d’existence réelle.
Virtualité ou pas, l’alchimie spirituelle s’opère par le cœur, l’athanor où tout se réalise. Le cœur est le lieu du mystère, la voie d’accès à l’Esprit pour agir en l’individu. Et sur le plan astrologique Cœur et le Lion sont en correspondance. Chez les anciens hébreux cet athanor était l’Arche d’Alliance. Il était quelque chose de physique, de matérialisé et gardé par des prêtres. Pour les hébreux actuels, il n’est plus qu’un symbole, le rappel du devoir des croyants envers Dieu, le lieu où se joue la réalisation du lien entre Dieu et l’individu. L’Eternel n’a-t-Il pas promis : « Je leur donnerai un cœur nouveau et Je mettrai au dedans d’eux un esprit nouveau. J’ôterai de leur chair leur cœur de pierre et Je leur donnerai un cœur de chair. Alors ils seront un peuple et Je Serai leur Dieu » ?
En fait les « 4 Vivants », précisément l’aigle, le lion et le taureau, sont en rapport avec l’ontologie traditionnelle du judaïsme et du christianisme : l’esprit, l’âme et le corps. Ils sont les 4 facettes de l’Esprit qui vont vivre dans le cœur de l’individu. D’ailleurs le quatrième vivant, l’homme nouveau, constitue la résultante des trois composantes précédentes. Alors le cœur de pierre attendri s’ouvre à la dimension de l’Amour Universel. Le cœur de chair se substitue à l’Arche d’Alliance.
Il faut comprendre que le cœur ouvre le plan religieux, jusqu’à devenir un tabernacle, résidence du Divin. Alliance, attendrissement par le dialogue subtil avec l’Esprit, comme union entre l’individu et l’Eternel. Mais depuis des milliers d’années, doute et la raison devenus maîtres absolus, on ne sait plus qui est l’Esprit, et donc s’il existe.
Cependant peu résistent à se passer d’appeler intérieurement cette « primordiale spiritualité ». Le cœur asphyxié clame de l’aide dans le silence et les absurdités du monde.
C’est en travaillant avec les « 4 Vivants », en assumant les titres de chevalerie, que l’on pourra activer en soi-même la triple fonction : royale, sacerdotale et prophétique.
La fonction royale est reçue du Lion car par vocation il assume le pouvoir. Chevaliers, c’est le temps du combat, la joute de l’individualité pour se trouver, définir et affirmer sa volonté propre, la « grande guerre » pour que le « soi » se découvre. C’est la phase aussi de la « petite guerre », celle de la mise à l’épreuve par l’opposition à autrui.
C’est le temps de l’âge adulte qui ouvre la « Porte des Hommes ». Sous la cuirasse bat le cœur avide de maîtriser la personnalité, l’ego, le « moi-je ». Si la victoire sourit, l’état de royauté apparaîtra. D’un point de vue pratique, le bon fonctionnement du système cardio-vasculaire, la bonne circulation, en seront les facilitateurs, corroborant l’ascendant sur le pouvoir matériel et le savoir rationnel. Sublime « coagula » d’où renaîtra l’homme nouveau, par la maîtrise des fonctions psychiques, l’épuration de l’âme. Le Lion est le roi des animaux, l’essence-même de tout ce qui vit sur Terre car il intègre analogiquement chaque espèce animale. Le roi est celui en qui tout se récapitule. Une sorte de totalisation, comme un retour à l’Unité, « confirmée » par la force de vie et l’illumination de l’âme.
D’ailleurs le Roi dit « nous » et jamais « je ». Le roi intronisé porte à l’annulaire l’anneau qui le marie avec son peuple et son royaume. Sacré, il communie avec le Divin.
Il arbore sur la tête la couronne, symbole circulaire de transcendance, d’unification et d’unité. Le chevalier roi matérialise la possibilité et la réalité du retour à l’Unité Divine. Ainsi, travailler avec l’image magique du Lion c’est travailler avec l’archétype qui donne la capacité d’unifier.
Cependant si l’âme est forte et courageuse quand elle s’ouvre à l’esprit, elle peut devenir timorée et faible si elle s’abandonne aux pulsions de la chair. Le combat est toujours risqué.
Le Chevalier-Roi recevra éventuellement la fonction sacerdotale du Taureau, animal sacrificiel par excellence. Car pour grandir, pour présider à la purification et à la mort baptismale, doit-il accepter de perdre l’approbation, voire l’amour d’autrui.
Fait d’acceptation, d’abandon et d’obéissance pour pouvoir renaître, il implique son ventre, sa vie entière, intériorise son milieu en s’alignant sur lui pour abandonner en un ultime « solve » l’enveloppe du vieil homme dans la paix intérieure établie. Attaché à la terre par son poids et sa vocation, seule une parfaite réception et assimilation des faits, ou digestion des plats de la vie, en assurera le succès. Ainsi, par un retour dominant l’état de spontanéité enfantine, symbolise-t-il la notion transcendante de sacrifice célébrée par le prêtre.
Tel est le devoir du prêtre-chevalier : accomplir en soi l’union de la Terre et du Ciel, pour relier en conscience et dévouement l’homme au divin.
Le « don prophétique » est transmis par l’Aigle lié à la tête, le Saint des saints. Seul animal de l’apogée, capable de s’élever très haut dans les airs, de regarder en face le Soleil et d’inspirer l’ascension vers la Divinité, dont-il sait et connaît l’existence. L’âge de l’aigle affine l’intuition spirituelle et la sensibilité métaphysique ouvrant la « Porte des Dieux ». Cela n’est possible, « prêtre-chevalier », qu’à la condition de connaître l’art de marier les opposés du bi pôle Taureau/Lion. Travailler avec cet archétype, aux conditions de l’équilibre du système nerveux, permet d’accéder à la sagesse et à l’amour des êtres, pour pouvoir enfin entendre l’Intelligence du Monde. Transmettre sa voix, celle du temps et des réalités subtiles, est œuvre prophétique. Chevalier si tu parviens à voler avec l’aigle dans le ciel du « soi » pour écouter l’Esprit, tu participeras aux Réalités Supérieures.
Mais l’œuvre est impossible sans l’accord de l’Aigle, car c’est lui qui fait naître à l’Esprit.
C’est pour cela que ce travail d’alchimie interne commence avec l’Aigle. Porté par les souffles de l’Esprit il glatit, ou non, dans le cœur en prière et en contemplation.
Car l’adepte sait que l’Aigle ne s’apprivoise pas, et que l’Esprit souffle où et quand il veut. C’est l’Aigle qui donne le feu vert pour que s’effectue le vrai travail d’Alchimie Spirituelle, c’est l’Esprit qui décide de l’aboutissement.
Reste que l’épuration de notre terre est la condition première de l’œuvre. Le rationnel la pensée matérialiste n’y ont point de part. Chevalier doit spontanément et intérieurement être en l’état : être d’accord intérieurement de soi à Soi de travailler pour rien, de travailler gratuitement, au service de la Force d’Amour. C’est le résultat d’un indicible appel, d’un besoin irraisonné de fusionner avec le Tout, la nécessité de don complet à l’Universel.
Alors seulement l’Aigle s’éveillera en la conscience du chevalier. Il s’ébrouera, donnera quelques coups de bec au passage pour s’assurer de l’authenticité de l’appel, avant d’emporter le « vieillard » vers sa deuxième naissance, vers cet espoir de « mutation » permettant à l’homme nouveau d’engendrer et témoigner par l’esprit. Seulement il est encore une condition pour que l’Aigle puisse catalyser la capacité prophétique : que le Lion ait fait son œuvre…
Chevalier, l’action en toi de chaque archétype est graduelle, et liée à la qualité, c’est-à-dire à l’efficience intense des autres en toi. Les qualités de ces énergies sont interdépendantes et fonction de ton accueil, de ta disponibilité intérieure, car n’oublie pas ce qu’écrit STEINER : l’aigle est « une tête avec des plumes ».
La conclusion est évidente Chevalier : si tu veux te fondre en l’« Homme nouveau », le quatrième « Vivants », intègre les trois énergies « animales ». La clé de l’incarnation de l’Esprit se trouve dans le rapport Aigle / Taureau, ce dernier étant la force d’incarnation par excellence. Et la réalisation de cette incarnation s’obtient par le cœur si l’énergie du Lion y siège.
Comprends Chevalier que les trois animaux archétypes sont trois facettes de toi-même, tes potentialités d’antan endormies qu’il te faut développer simultanément, si tu veux sincèrement équilibrer corps et âme. Cela se peut car ton cerveau est conçu pour fonctionner selon les principes qu’ils symbolisent. Les « 4 Vivants » sont les 4 grands mystères par lesquels l’Esprit s’incarne en toi, tissant ton « corps spirituel »(1).
Ressentis par toi comme archétypes, ils développent en toi une mystique de la participation aux énergies divines(2).
Le processus est simple. Si tu considères par exemple l’archétype de l’Aigle. Il commence à s’éveiller quand nait l’envie de participer à l’universalité, sensation attractive qui pousse à vouloir embrasser l’immensité cosmique, force intérieure, envie irrésistible à vouloir vivre pleinement dans le monde.
L’exercice de base, l’échauffement spirituel qui favorise la naissance de cet état, consiste à contempler l’Aigle ainsi connu de toi et te disposer à accueillir émotionnellement fusionnées ses potentialités et ses vibrations archétypes. Et pour que la réaction démarre, chevalier tout entier, essentiellement, sois humilité et pureté de cœur. Souviens-toi de ta devise : « Non nobis Domine, non nobis ; sed nomine Tuo da gloriam ».
Retiens Chevalier, que L’Homme nouveau est celui en qui s’établit la voix solaire.
Mais n’oublie pas que seul l’Esprit Saint donateur de la grâce peut accomplir cette œuvre de déification…
Si d’abord tu as emprunté les chemins du Taureau, ceux du sacrifice et de la Passion sacerdotale solaire suprême ;
puis embrassé le territoire du Lion qui s’attache à la Résurrection manifestée de cet état ;
enfin participé au vol de l’Aigle qui est l’Ascension ou la réalisation effective de l’état. Chevalier, ce sont ici esquissées depuis la plus haute antiquité, les quatre étapes effectives de la réalisation intérieure.
Livrées : les clés de la Grande Initiation, ou de ce que les Anciens appelaient les « Grands Mystères ». Le détail des processus de « conversion » est inscrit aujourd’hui pour toi dans les évangiles. Il te faudra apprendre à combiner les associations symboliques attachées aux 4 Figures... Jean, Marc, Luc, Matthieu, sont comme quatre formulaires d’initiation dans la voie cosmique solaire.
Correspondant eux-mêmes aux quatre Eléments, les quatre évangiles qui traduisent leur expression ne sont donc pas identiques quant aux processus décrits, pas identiques dans l’invitation aux manifestations des états de conscience.
Chaque évangile présente des étapes différentes de la nécessaire transformation intérieure, et cela en fonction des archétypes accrochés aux quatre éléments. Ils représentent donc la révélation de la conscience nouvelle et transcendante vers laquelle chacun doit aller. Ils balisent la nouvelle manière de vivre à travers l’Intelligence solaire, ou si l’on préfère, le comment éprouver et rayonner l’harmonie retrouvée en l’univers unifiant des principes.
Chevalier tu pourras les mettre en équation et en action en appréhendant les secrets de l’Evangile de THOMAS... Thomas le guide, l’établi, le Soi atteint par l’épreuve, la découverte et la certitude du Divin en ayant traversé le doute et l’incrédulité.
Mais ceci est déjà la quête, une histoire à suivre, le deuxième temps suivant ces préliminaires incontournables. Pour qu’à la fin, « A celui qui possèdera le Verbe proféré de la Nue, et qui s’unira à l’Esprit rutilant de splendeur divine, à celui-là appartiendra alors la destinée de Moïse et d’Elie… »
J’ai dit
(1) C’est l’allusion à l’hagiologie, science religieuse qui étudie les indices concrets montrant qu’il est possible de tisser le « corps de gloire »… A savoir l’étude des effets physiques, physiologiques et psychologiques du mysticisme et de l’état de sainteté :
- résistance à la douleur, résistance des tissus organiques au feu, poison et autres agressions ;
- luminosité de la silhouette : phénomène du nimbe, de l’auréole, de l’effulgence, de la transverbération ;
- affranchissement des contraintes pondérales et spatiales, lévitation, bilocation, marche sur les eaux ;
- science infuse ou acquisition de connaissances sans apprentissage, clairvoyance, prémonition :
- modifications métaboliques : vivre sans manger ni boire, mais par des phénomènes de fragrance…
(2) Ces énergies sont des « vertus » qui se trouvent auprès de la nature divine sans pour autant la constituer. Elles sont des émanations, des mouvements, de cette nature.
D'un symbolisme aérien, l'étoile évoque la lumière dans la nuit. Symbole de reconnaissance et d'esprit, elle affirme la fin des conflits, l'espoir puissant du phare qui guide le navire dans la nuit.
Image du Messie, l'étoile affirme l'esprit renouvelé.
Appelées fenêtres du monde, les étoiles sont des points dans la nuit, points de lumière prouvant que l'obscurité n'est jamais totale.
On les imagine aussi comme lieu de repos des âmes, portant aussi le double
de toute personne vivant sur terre. Les mythes, les contes et les légendes sur les étoiles sont nombreux.
Astres de la nuit, compagnes nocturnes des premiers hommes, elles ont été assimilées à des déités et à la mythologie avec les constellations zodiacales.
Elles furent les seuls repères pour les premiers marins, l'étoile polaire, étoile fixe, désignant toujours le nord.
On parle aussi de l'étoile du berger, la planète VENUS en réalité, souvent la première à briller au crépuscule. On raconte qu'elle aurait guidé les gardiens de
troupeaux à l'endroit de la naissance du Christ.
L'ETOILE POLAIRE est souvent l'étoile qui oriente, servant ainsi de repère dans la nuit. De ce fait elle sert d'axe. D'ailleurs pour nos ancêtres l'étoile polaire était pour eux un centre
remarquable dans l'univers.
En effet du point de vue d'une personne sur terre regardant le firmament, les étoiles et l'univers entier semble tourner comme une roue autour de cette étoile fixe, elle est comme l'axe du monde.
Ce symbolisme est puissant car il représente un point inaccessible, moteur de l'univers, nous ramenant a l'image du grand architecte de l'univers avec une dimension qui est la hauteur ou verticalité.
Notre état primaire était horizontal, en 2 dimensions comme le symbole d'une croix plate, mais l'élévation spirituelle ne peut se représenter qu'en ajoutant une 3ème dimension symbolique: … La VERTICALE.
Cela me fais revenir aux outils de la loge; La perpendiculaire et le niveau, outils indispensables pour visualiser l'axe immuable qui ordonne toutes choses et permet de passer de la matérialité à
l’Esprit représentée par la position du Compas et de l’Equerre au centre du Naos.
Ainsi le centre du monde est souvent figuré par une élévation : montagne, colline, arbre, clocher d'église pierre levée comme les menhirs, tel le DJED .
C'est au centre du monde que se rencontre le ciel et la terre qui, en langage symbolique l'on nomme« AXIS MUNDI », ou AXE DU MONDE.
L'étoile polaire va unir le centre du monde terrestre au centre du ciel.
Celui qui atteint le centre pourra s'élever vers les états supérieurs par le long de cet axe.
Observons maintenant l'intérieur de notre loge et levons la tête pour y découvrir une nouvelle fois des étoiles, c'est : La VOÛTE ETOILEE de couleur bleu et parsemé d'étoiles, absence théorique
de plafond permettant le passage de l'axe du monde et nous invitant à comprendre que notre progrès ne s'arrête à la seule connaissance de soi mais aussi permettre d'atteindre
un état de perfection supérieur ou autrement dit de supra-conscience.
Il n'y a donc pas de nuit au dessus de nos têtes, mais des étoiles rendues visibles de midi à minuit par la lumière de la loge.
Notre temple est donc à ciel ouvert, serait-elle donc interminable notre construction ?
Il est dis dans notre langage, « apporter sa pierre à l'édifice » donc pour aider à construire un temple inachevé ( l’Aduc Stat du RER ).
Inachevé parce que le travail initiatique est interminable, mais aussi, là où il n'y a pas de toit il n'ya pas de dogme, mais seulement la voûte céleste avec ses étoiles visibles en plein jour.
La loge travail donc à ciel ouvert, forme de liberté où l'ont ne sent pas écraser par le poids morts des mondes finis.
Cela nous permet de nous mettre en cadence et en harmonie avec les constellations de la voûte étoilée, comme pour nous rappeler que ce qui est en haut est comme ce
qui est en bas et ce qui est en bas est comme ce qui est en haut.(extrait de la table d'Hermès Trimesgiste ).
Ces 5 minutes de symbolisme m'ont conduit sur une symbolique cryptée qui est : L'étoile dans l'œuvre d'Hergé
Hergé créateur des ouvrages d'aventures connus de tous, « Tintin et Milou »!
On compte exactement 22 albums d'Hergé en couleurs,
22 comme les 22 Lames majeurs du tarot;
22 comme les 22 sentiers de l'Arbre Kabbalistique.
Je ne pouvais manquer de vous présenter, en faisant cette planche sur l'étoile, cette formidable analogie symbolique des œuvres d'Hergé et de la maçonnerie,
cet ensemble d'ouvrages formant à mon avis un parcours initiatique a travers les 22 lames du tarot.
Qui de nous, un jour de sa vie n'ai pas ouvert un des albums de Tintin ?
Jamais dans ma recherche je n'aurais pensé que derrière ces formidables aventures, se cachaient une seconde lecture nous menant vers ce code crypté de la
Connaissance.....J'ai trouvé cela merveilleux !
D'autres grands auteurs ont travaillé de cette façon derrière ces aventures que nous lisions étant enfant (je prendrai ici un autre auteur pour exemple... « Jules Verne »;
Ces œuvres sont riches de clefs initiatiques d'une immense valeur nous permettant d'approcher la Gnose, la Connaissance et ses mystères.
N'oublions pas que la connaissance dans le langage des oiseaux, «c'est connaître en naissant. »
Mais revenons a Hergé et aux aventures de Tintin.
Dans celle-ci nous y rencontrons différents personnages, des sages, des fous, des pharaons qui nous amène en Egypte.
« Les cigares du pharaons », où nous trouvons aussi des symboles connus de nos loges et notamment une bague de cigare très spéciale qui ressemble à s’y méprendre à la
symbolique du Ying et du Yang ;
la lune, dans « Ont a marché sur la lune ou objectif lune »
le soleil dans « Le temple du Soleil »
et bien sur l'étoile, dans « l'Etoile mystérieuse » .
Ne voyez-vous cette analogie avec les symboles maçonniques ?
Nous y trouvons aussi des temples, « Le temple du soleil ».
Chaque personnage revêt différents habits dans ces aventures.
Le professeur Tournesol que allons découvrir vêtu de la robe que porte l’Hermite, 9ème lame du tarot.
Le capitaine Hadock se cachant dans les habits du Pape qui est aussi la 5ème lame du tarot.
Mais je suis sur en cherchant bien nous pourrions rencontrer de multitudes similitudes, des liens secrets qui par exemple :
- unissent le Diable « 15ème lame du tarot » au Yéti et à Rakam le rouge,
- les fameux Dupont aux jumeaux (principe de dualité) que nous trouvons sur le haut de la 19ème lame Le Soleil,
- et bien sur tintin représentant le fou ou le mat (arcane de valeur 0), marchant sur le chemin qui le conduit a travers le trésor de l'amitié de la Fraternité, le regard tourné vers le haut fixant … la mystérieuse Etoile...
Tout ce récit concernant Hergé me permet d'arriver à l'aventure qui nous concerne. « L'Etoile Mystérieuse ».
Cet astre mystérieux, c'est la 8ème étoile de la grande ourse, cette constellation que les Celtes nommaient le « Chariot d'Arthur ».....
Mais pour Tintin une étoile de plus dans la grande ourse était un mystère.
Cette 8ème étoile nous le retrouvons dans tout son éclat dans la 17ème lame du tarot « L'Etoile ».
Cet astre, à 16 branches dans la lame du tarot se trouve autour de 7 petites sœurs. Observons bien cette lame chargée d'un symbolisme puissant.
Nous y trouvons, éclairée par l'Etoile, une jeune femme nue, qui, agenouillée au bord d'un étang y déverse de la main droite le contenu d'une cruche d'Or, d'où s'écoule de celle-ci une eau chaude se déversant dans ce plan d’eau, nous y voyons bien dans l'image de la lame les vapeurs qu'elle dégage.
Dans l'autre main, elle tient une seconde cruche celle-ci d’argent.
Rappelons que l'or est un lien avec l'activité, l'énergie, le solaire et que l'argent représente la réceptivité, la féminité, le lunaire.
Une nouvelle fois cette correspondance avec nos symboles......
Cet arrosage entretient la végétation, plus particulièrement représenté par un rameau d'Acacia symbole d'espoir en l'immortalité et une rose épanouie.
Dans la légende d'Hiram, cette plante fait découvrir le tombeau du maitre, détenteur de la tradition et de la parole perdue.
La rose de cette même lame est celle des chevaliers de l'esprit, fleur qui sera posée sur la croix dont l'Acacia fournit le bois.
Mais la Connaissance réservée aux initiés n'est pas encore sortie des ténèbres. Car cette lame représente la Croissance, croissance qu'il ne faut pas confondre avec construction, celle-ci avance
par sauts et par bonds, tandis que la croissance est continue répandant sa sève transformatrice.
Le principe féminin représenté par la femme symbole de fécondité, principe maternel, entre la constellation de l'espérance représentée par l'étoile se trouvant au dessus d'elle et du fleuve, symbole de continuité, au dessous d'elle.
C'est pourquoi l'étoile est croissance Vénus étoile du matin correspond à la grande étoile de l'arcane XVII. Projetant des feux verts à travers ces huit rayons
d'or, il se dégage une pureté, une clarté qui renforce la beauté de cette lame du tarot. Ce qui est intéressant a savoir, c'est que l'Etoile est la 1ère carte céleste dans le tarot précédant la
LUNE XVIIIème arcane et le SOLEIL XIX arcane.
Nous trouvons, comme je l'ai souligné auparavant, une grande partie de notre symbolique.
Tintin commence ici a lever les yeux vers le ciel pour entamer son travail intérieur lié par une perpendiculaire au Cosmique et arriver jusqu'à la Connaissance. Car il est dit que celui qui est
capable de voir le soleil à minuit et aussi apte à découvrir la réalité des grands mystères cachés au cœur des ténèbres.
Il y'a un énorme travail à faire pour comprendre toute la valeur initiatique de ces fabuleuses aventures. Il n'y a pas d'autres explications plus nettes pour comprendre qu'il s'agit de notre
propre cheminement en tant que Franc-maçon. Mais je n'ai fait qu’ébaucher ce travail avec l'étoile mystérieuse en correspondance avec la lame du tarot.
Je vais maintenant juste vous laisser entrevoir la nombrologie de la lame XVII, « l'Etoile ».
Le nombre XVII correspond au symbolisme de l'Etoile. Ce nombre brille intensivement parce qu'il est le plus cosmique. 17 = 1 + 7, l'unité qui représente l'émanation et sept la création,
1= le monde supérieur
7= le monde inférieur. Ainsi s'exprime la Kabbale.
Le XVII c'est aussi l'union du ciel et de la terre.
Ce nombre recouvre tous les chapitres des 4 évangiles ; Mathieu 28 - Marc 16 -
Luc 24 - et Jean 21, total 89 l'addition théosophique nous donnes donc
8 + 9 =17, donc 17 = 1 + 7 = 8.
Huit symbolise la justice « lame VIII du tarot la Justice ».
Si nous plaçons ce nombre à l'horizontal OO nous obtenons le symbole de l'infini.
L'arcane XVII est le plus cosmique des arcanes clefs. A travers l’arcane 17, on élimine toutes nos passions, nos folies, nos défauts pour aller vers l'Etoile de … l'Espérance.
La route est éclairée par les étoiles qui nous guident pour accomplir notre mission.
L'arcane XVII est chargé de mystères, de toutes les histoires et traditions que les hommes ont véhiculées au sujet des étoiles.
Aujourd'hui encore, ne fait-on pas un vœu au passage d'une étoile filante ?
Elles apportent messages d'espoir, de paix, d'harmonie.
VM :. Que ceux qui ont des oreilles entendent, que leurs yeux voient et que leur Ame comprenne.
J’ai dit
Visita Interiora Terræ, Rectificando Invenies Occultum Lapidem.
D’emblée, le décor est placé. Mais comment le postulant comprendrait-il, lorsqu’il regarde, étonné, l’acronyme V.I.T.R.I.O.L. inscrit au mur obscur du cabinet de réflexion, que la “démarche” entreprise est alchimique, en quelque sorte une tentative de transmutatio individuelle accomplie au sein d’une collectivité “d’individus” poursuivant chacun pour eux-mêmes - collectivement - le même but par des voies différentes ?
Comment comprendrait-il qu’il est, solitaire, aux prises avec l’Œuvre au noir, premier acte d’une individuation qui le conduira, s’il le souhaite, à l’athanor - Œuvre au rouge - où il retrouvera la Parole perdue ? Impossible.
Tous ceux d’entre nous qui avons enquêté des profanes n’avons pu que très rarement percevoir, dans l’expression maladroite de leurs motifs, une quelconque intuition du sens de leur quête.
Ils ne sont capables que d’exprimer des banalités ; l’affirmation confuse d’une croyance en Dieu, certes, mais sans trop savoir expliquer le pourquoi et le comment, rejoignant en cela à leur insu les propos de C.G. Jung : “… à moins que quelqu’un n’en vienne à l’idée bizarre de prétendre savoir avec précision ce qu’est Dieu" ; (1) une idée vague de la fraternité, mais aussi, souvent, le sentiment d’une frustration religieuse.
Peut-être celle de ne pas avoir perçu au sein de leur Église baptismale les discours qui sortiraient du formalisme et de la superficialité, incapables de susciter au sein de la communauté ecclésiale une participation active de leur âme (psyché). Car c’est bien de cela qu’il s’agit.
Le dogme et la doctrine au sein des Églises ne doivent pas être considérés uniquement éléments de frustrations des libertés individuelles, mais aussi, reconnaissons-le, comme une nécessaire rampe sur laquelle s’appuie la majorité des fidèles, une structure collective destinée à ceux qui, sans quoi, trébucheraient (le dogme de la Trinité, par exemple, ne peut être raisonnablement remis en cause, au risque de renier purement et simplement le christianisme - encore conviendrait-il ici de remplacer le mot dogme par le mot mythe qui correspondrait mieux à notre vision maçonnique - cf. infra : Mythe & inconscient).
Les dogmes sont par conséquent les socles sur lesquels s’édifient les doctrines, épines dorsales des Églises. En revanche, le danger réside en une projection intégriste et exclusive d’une pratique religieuse dévoyée, en une attitude dogmatique radicale qui soustrairait à l’âme ses valeurs, car l’individu - entendons par individu le profane qui un jour de sa vie vient frapper à la porte de nos temples - souhaiterait inconsciemment pouvoir participer à son expérience spirituelle au sein de son Église, qui n’est devenue le plus souvent hélas, selon la formulation de Kierkegaard, qu’une institution de prêtres-fonctionnaires qui y font carrière, réduisant les Écritures à un prétexte à de belles envolées rhétoriques devant un public assoupi, une sorte de compagnie d’assurance pour l’au-delà ; le postulant souhaite en effet participer à la nourriture de son âme et, à cet égard, met son espérance dans la Franc-Maçonnerie, cette fraternité d’hommes dont il ne connaît rien, évidemment.
Rappelons ici la doctrine de Maître Eckhart qui met en exergue le thème de l’archétype (nous y reviendrons) en ceci que l’âme se rattache à l’essence divine par son point le plus intime, où est situé son archétype éternel, désigné par le dominicain comme point central de l’âme, la “lumière” ou “étincelle”.
Dès lors, notre postulant potentiel, responsable de la construction de son propre temple intérieur, est de facto un cherchant - il cherche la lumière -, prêt à une quête de son archétype, prêt à remplir le vide de son âme et mettre “tout Dieu dedans” et non “tout Dieu dehors”.
Cette vision repose essentiellement sur le concept de la régularité. Or, nous connaissons tous l’importance du Volume de la Loi Sacrée (VDLS), l’une des trois lumières de la Franc-Maçonnerie, témoignage écrit de la Tradition sans distinction d’appartenance religieuse.
La franc-maçonnerie étant d’essence occidentale, il se trouve ainsi que ce Volume soit la Bible.
Il pourrait en être autrement sans que la régularité en soit altérée (le Coran par exemple). Rappelons brièvement ce qu’est la régularité : “Le premier point de la régularité est la croyance au Grand Architecte de l’Univers et en Sa volonté révélée (…) La révélation ainsi perçue n’appartient pas spécifiquement à une religion déterminée (…) Le pasteur Anderson l’a parfaitement formulé dans ses Constitutions en désignant le franc-maçon comme “noachite” (2)
Cette formulation peut paraître réductrice. En effet, la révélation est essentiellement un concept issu de l’arbre abrahamique et ne concerne en fait que le judaïsme, le christianisme et l’islam, toutes trois religions révélées incluant la transcendance (Moïse, le Christ, Muhammad), elle impliquerait de ce fait davantage un aspect théiste que déiste.
Il est clair que la notion spirituelle de GADLU n’est pas la même dans les trois religions des Livres (ancien et nouveau Testament, et Coran) que dans les Upanishads ou tout autre expression livresque de doctrines orientales qu’il ne convient pas d’analyser dans le cadre de cette étude. Disons par exemple qu’il y a fort à parier que si l’Angleterre n’était pas allé coloniser l’Inde pendant un siècle, la Franc-Maçonnerie n’y existerait pas.
Névrose, motivations psychologiques du postulant et individuation
Nous pensons que le désir inconscient d’une quête spirituelle à l’origine d’une volonté d’adhésion à une organisation initiatique comme la Franc-Maçonnerie est de l’ordre de la “névrose consciente”.
Entendons-nous bien. Il convient ici de se garder de toute ratiocination hasardeuse, de modérer nos propos et d’observer prudemment les caractères apparents de la névrose - même légère -, autrement dit ne pas se limiter à une définition lapidaire de cette forme de psychopathie.
Sous forme de boutade, nous pourrions dire que le Maçon est un “névrosé qui ne s’ignore pas”, alors que la plupart des individus, femmes ou hommes, que nous rencontrons sont des “névrosés qui s’ignorent”. Rares en effet sont les êtres qui peuvent prétendre à un parfait équilibre psychique.
La névrose est un état obsessionnel inconscient. Les divers états névrotiques - même légers répétons-le - présentent des caractères et des troubles communs se traduisant par des malaises psychiques et sociaux, des manques de maturité affective (réactions inconscientes aux situations professionnelles, familiales, etc.), névroses d’angoisse ou autres dues à des facteurs endogènes psychiques (éducation, conditions de vie, circonstances extérieures, etc.).
Ils se traduisent par un besoin de rechercher une sorte de refuge où réfléchir et agir tels que C.G. Jung les définit lorsqu’il aborde la question des sociétés secrètes : “Ces identités collectives, (…) des béquilles pour les paralytiques (…) mais tout autant (…) un but glorieux et ardemment escompté pour ceux qui ont erré et qui sont déçus…” (3).
On doit se garder ici d’assimiler les termes de sociétés secrètes et de Franc-Maçonnerie, les unes n’ayant évidemment rien à voir avec l’autre, sinon qu’elles réunissent des groupes d’hommes menant une quête commune.
Reconnaissons ici que nos ateliers sont des cellules où chacun d’entre nous se ressource, se reconstruit, exerce pour soi-même ce processus d’individuation par lequel un être est supposé devenir un “individu” psychologique, c’est-à-dire une unité autonome, une totalité ; c’est une voie qui nous invite à devenir un être réellement individuel ; un retour à notre unicité la plus intime.
L’individuation n’exclut pas l’Univers, elle l’inclut (“Dieu tout dedans” selon Maître Eckhart) (4). L’individuation, considérée comme désir d’un approfondissement de la connaissance de soi, est une entreprise individuelle, difficile, longue.
Ce désir métaphysique est intrinsèquement lié à une réaction contre la déviation épistémologique de notre monde en devenir, orienté vers le matérialisme, succube de l’âme, créateur d’angoisse.
L’ère gothique, transcendantale, celle où l’âme était incluse dans la matière, l’esprit dans la pierre des cathédrales, était une symbiose entre la substantialité de l’esprit et celui de la science.
Le postulant est un nostalgique de cette époque révolue, cherchant la voie d’un retour vers l’esprit. Nous sommes en présence d’une dualité Matière-Esprit.
Rappelons à cet égard le symbolisme des diverses positions successives du compas et de l’équerre sur l’autel des serments.
L’équerre, symbole de la matière, est placée au-dessus du compas, symbole de l’esprit, au premier degré ; les deux lumières maçonniques s’entrecroisent au deuxième degré, évocation d’un début de modification dans l’ordre des valeurs, ébauche d’un retour de la suprématie de l’esprit sur la matière, réalisée au troisième degré.
La névrose est directement liée à l’angoisse. L’angoissé cherche désespérément ses repères, il cherche à donner à sa vie le sens qui lui manque.
Combien de fois n’avons-nous pas entendu : “J’ai réussi ma vie professionnelle, mais le reste est une faillite…”? L’homme souffre souvent de déséquilibres psychiques dans lesquels il s’enferme, faute de pouvoir trouver une porte de sortie vers un plan supérieur qui lui ouvrirait l’esprit, où il pourrait se développer en une personnalité plus vaste.
Kierkegaard parle de l’angoisse comme “grand privilège de l’homme” face à son pouvoir manifesté par le phénomène de la transgression et exprimé dans le mythe d’Adam, dont l’innocence se trouve face à l’immense possibilité de ce pouvoir ; l’angoisse est provoquée par l’interdiction et par la menace du châtiment ; elle devient alors le vertige de la liberté, une liberté prisonnière du désespoir.
Et le Danois d’imaginer cette formule descriptive de l’état du moi lorsque le désespoir en est entièrement extirpé : “en s’orientant vers lui-même, le moi plonge, en voulant être lui-même, à travers sa propre transparence, dans la puissance qui l’a posé” (5). Se crée alors chez l’individu le désir d’une psychologie de l’âme, volonté reposant sur le postulat d’un esprit autonome. Cette démarche et sa réalisation représentent un effort individuel persévérant.
Imago Dei et archétype
Comme nous venons de le voir plus haut, avec Maître Eckhart nous retrouvons l’Imago Dei (image de Dieu), produit de l’inconscient, laquelle, d’un point de vue psychologique, doit être comprise comme symbole du Soi, de la totalité psychique. Nos travaux sont ouverts à la Gloire du Grand Architecte de l’Univers, le Volume de la Sainte Loi symbolisant Sa présence dans l’espace sacré, constitué dans nos ateliers entre l’ouverture et la fermeture des travaux. Jung, toujours, s’exprime de façon claire sur ce sujet :
“Ce n’est qu’au moyen de la psyché que nous pouvons constater que la divinité agit sur nous ; nous sommes cependant incapables de distinguer si ces efficacités proviennent de Dieu ou de l’inconscient, c’est-à-dire que nous ne pouvons trancher la question de savoir si la divinité et l’inconscient constituent deux grandeurs différentes. Tous deux sont des concepts limites pour des contenus transcendantaux. Mais on peut constater empiriquement qu’il existe dans l’inconscient un archétype de la totalité (…) une tendance indépendante du vouloir conscient qui vise à mettre d’autres archétypes en rapport avec ce centre”.
On comprend ici le rapport étroit entre la présence de la divinité dans la loge, symbolisée par le Livre, et l’intime perception du surconscient (6) du sentiment de l’individu devant Mystère de Dieu.
Mystique et Initiation
Nous devons différencier ici la mystique de l’initiation, sans pour autant rejeter l’une par rapport à l’autre, - comme le fait à tort, à notre avis, Umberto Eco dans son monumental pavé : “Le Pendule de Foucault” (7) où transparaissent à l’évidence les pensées de Julius Évola -, mystique et initiation qui, chacune, à sa manière, tendent à une perception du divin, donc du surconscient.
La mystique est une coruscation illuminée, fugitive; l’initiation une quête longue et persévérante, mais le but de la totalité psychique - est le même.
Notons au passage que le mystique païen n’a rien à envier au mystique chrétien, la mystique étant d’ordre supra-humain, à ceci près toutefois que les références du mystique sont liées aux racines religieuses et environnementales du sujet et à l’influence de celles-ci sur son surconscient.
Mythe et inconscient
Il convient en effet de réfléchir sur le rôle du mythe dans l’inconscient. Expression métaphorique connue des temps les plus reculé, le mythe est une sorte de psychodrame dont les acteurs représentent les différents aspects inconnus de nous-mêmes.
Il nous invite tout au long du déroulement de l’action à une prise de conscience progressive.
Le mythe n’est pas une fin en soi, mais un fil conducteur vers notre inconscient, la suggestion d’une méditation sur nous-mêmes sous la forme d’une voie, d’une structure d’idées qui proposerait une adaptation non plus à l’ambiance, mais au sens de la vie ; une évasion vers la sortie d’une déréliction psychique, créatrice d’angoisse, et qui nous envahit.
La pluralité des rituels a évidemment pour objet d’adapter chaque idiosyncrasie au système maçonnique dans son ensemble, mais le sens du mythe reste le même. Le postulat - nous l’avons vu plus haut - consiste à admettre que l’individu est a priori dans les ténèbres psychologiques (mythe de la chute - Ge. III 1/24)).
Toute évolution ultérieure à cette situation ne peut que le conduire hors de celle-ci. Adam symbolise l’intellect, c’est-à-dire la capacité propre à l’homme d’agir sur le monde extérieur, de l’adapter à ses besoins, différent en cela de l’esprit, capacité de s’orienter essentiellement dans le monde intérieur et face au sens de la vie. Le mythe de la chute symbolise la prise de pouvoir de la matière sur l’esprit :
- " Que venons-nous faire en loge ? - Vaincre nos passions, soumettre nos volontés et
faire de nouveau progrès en franc-maçonnerie (8) "
- " Quels sont les devoirs d’un franc-maçon ? - Fuir le vice et pratiquer la Vertu ".
Considérant la totalité de son fonctionnement psychique, l’homme est à la fois faible et fort. Il sera plus fort que faible dans la mesure où son élan évolutif le portera à devenir pleinement conscient de lui-même, à comprendre tant les intentions de la surconscience éthique que les intentions pathogènes du subconscient.
Mythe d’Hiram et Prologue
L’ensemble des structures initiatiques de la franc-maçonnerie, à l’exemple des “mystères” de l’Antiquité, ont pour but de raviver l’émotion devant le Mystère de l’harmonie universelle, à laquelle l’homme, pour son bien essentiel, doit s’incorporer par auto-harmonisation (on s’initie soi-même), d’où s’en suit le sentiment d’éthique immanente.
Il faut se garder ici de toute conceptualisation logique de la nature de Dieu, comprendre que le Grand Architecte de l’Univers (Dieu) doit être pris comme symbole innommable du Mystère absolu, non pas considéré comme Entité, Substance ou Personne, mais comme abstraction, comme vacuum.
La tradition judaïque nous enseigne que le “Nom de Dieu” (Y-H-W-H) ne doit jamais être prononcé, sous peine d’une personnification qui, l’anthropomorphisant, lui retirerait sa signification d’harmonie infinie du silence (abomination salomonienne : tu ne prononceras pas le “Nom de Dieu” en vain).
L’image même de Dieu se trouve incluse dans l’homme (Dieu tout dedans). “Seul existe le mystère immanent de l’existence : l’organisation harmonieuse de l’univers et l’émotion humaine devant cet aspect mystérieux auquel participe tout ce qui existe vraiment, être et chose” (9). Dieu est le reflet de la non-existence absolue.
Dans cet esprit, revoyons le mythe d’Hiram.
C’est une fable qui met en scène une situation psychodramatique en relation avec le Prologue lu dans sa version mythique.
Paul Diel en effet nous éclaire à cet égard : selon lui, il conviendrait de se livrer à une lecture du Prologue différente de celle proposée dans la Bible, laquelle - toujours selon lui - conduit le lecteur à une interprétation dogmatique du texte. Diel propose une interpolation de l’ordre des phrases qui lui restitue son sens mythique par déplacement du verset 6 après le verset 18.
Nous faisons figurer en annexe les deux textes biblique et mythique parallèlement l’un à l’autre.
Il nous a paru intéressant de soumettre la comparaison des deux lectures du Prologue qui met en valeur son sens mythique - maçonnique - uniformément recevable par tous, sans distinction confessionnelle; elle permet en plus au non-chrétien de prendre conscience de la dimension spirituelle de ce texte biblique (et maçonnique) fondamental.
Ainsi :
- Le Maçon que nous pleurons est celui qui nous éclairait…
- Au commencement était le Verbe… en lui était la lumière des hommes…
Au début de la "légende", nous sommes avant la "chute" ; l’ordre, l’harmonie et la sérénité règnent sur le chantier (hiérarchie pyramidale, division des ouvriers par classe; l’existence du monde est inséparable de son organisation).
Dans le Prologue, le Verbe et la lumière illuminent le cosmos (surconscient). Après l’assassinat d’Hiram, nous sommes plongés dans les ténèbres ; Adam a déjà croqué le fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal ; Lucifer apparaît en filigrane, la Genèse sous-entend l’avènement de la souffrance pathologique qui apparaît avec l’être conscient (conscience du crime, de la transgression). "Le Verbe (Dieu) symbolise l’acte créateur, organisateur; au niveau humain, l’organisateur du fonctionnement psychique (…) de sa réalité psychologique” (10).
- Il (Hiram) a péri par le plus détestable des crimes… (la lumière est éteinte).
- Et la lumière brille dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont point saisie…
Mais l’esprit d’Hiram, mort assassiné, perdure dans les ténèbres ; il cesse d’être instinctif pour devenir directif (celui qui dirige) et surconscient. On assiste à un refoulement de l’appel de l’esprit. La "lumière qui brille dans les ténèbres" est la vérité éternelle qui ne parvient plus à s’imposer, car le subconscient, le refoulement, s’opposent à l’émergence et à l’influence du surconscient.
- Le sage roi Salomon avait conçu le pieux dessein d’élever au Grand Architecte de l’Univers un temple, où seul il recevrait l’encens des hommes…
Le roi Salomon n’est pas ici le personnage historique, contestable, de l’ancien testament, mais un symbole du Bien, personnage mythologique supra-humain, dont il est l’exécuteur.
- Hiram, savant dans tous les arts et spécialement dans l’architecture et dans le travail
des métaux, fut envoyé à Salomon (…) pour conduire cette entreprise…
- Il y eut un homme envoyé de Dieu son nom était Jean…
Qui envoya Hiram à Salomon ? : Dieu (le Verbe). Nous retrouvons ici un sens caché commun à toutes les mythologies où leCréateur (Dieu) et le Juge (Salomon) unis en un seul symbole - le Verbe - signifiant le mystère de l’existence. Le temple devient alors le centre (la chambre du milieu), le lieu du surconscient (l’encens des hommes).
Voyons ici une annonciation de l’esprit prophétique davantage conforme à une lecture mythique du texte qui nous dit : "Soyez les prophètes de votre propre vie !" En effet, Hiram mort, nous sommes conviés à l’achèvement psychique de la construction du temple, de notre Soi, de notre archétype, à une rencontre avec le Mystère. Nous sommes conviés à nous prendre en main. Souvenons-nous ici des mots de Jung : "Auparavant, les choses m’arrivaient; maintenant c’est moi qui veut" (11). ou bien encore : "Tandis que celui qui nie s’avance vers le néant, celui qui obéit à l’archétype suit les traces de la vie jusqu’à la mort. Certes, l’un et l’autre sont dans l’incertitude, mais l’un va à la rencontre de son instinct tandis que l’autre marche avec lui" (12).
- Hiram (…) maintenait encore les esprits révoltés (…) lorsque trois compagnons formèrent
l’horrible projet d’arracher, de gré ou de force, les Mot Sacré des Maîtres.
- Celui qui dit être dans la lumière tout en ayant de la haine pour ses frères… Les ténèbres ont aveuglé ses yeux (première épître de Jean (II/8).
Les trois compagnons haineux : ignorance, fanatisme et ambition, représentent les pulsions inconscientes, incontrôlées. L’assassinat d’Hiram est une transgression involutive, forme négative des intentions du psychisme ; c’est le fruit défendu du jardin d’Eden, le feu de Prométhée.
À la fin de la légende d’Hiram, après que le récipiendaire a été relevé par les cinq points parfaits de la maîtrise, le V… M… annonce joyeusement le retour de la lumière:
- Le M… est retrouvé et il reparaît aussi radieux que jamais !… C’est ainsi que tous les
MM… Maç… affranchis d’une mort symbolique, viennent se réunir avec les anciens CC… de leurs travaux et que, tous ensemble, les vivants et les morts, assurent la pérennité de l’Œuvre !
- Mais à tous ceux qui l’ont reçu (le Verbe), il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu.
La voie de l’harmonie intérieure est désormais tracée.
Le déroulement même de la cérémonie revêt une signification symbolique qu’il convient de ne pas ignorer : La loge est désorientée; elle est tendue de noir; un épais rideau noir isole le De’b’ir de l’Ehal; le Delta à l’orient reste allumé, mais n’est plus visible, l’Étoile Flamboyante à l’occident est faiblement éclairée; l’emplacement des trois colonnettes a changé; le V\M\ n’occupe plus la chaire du roi Salomon mais est installé à une table au pied des marches de l’orient. Cette disposition correspond à l’image du chaos psychique dans lequel se trouve celui qui recevra la lumière quelque temps plus tard.
Nous remarquons ici qu’un même personnage peut recouvrir deux significations antithétiques. Le "rôle” joué par le V…M… se situe à deux niveaux : a) la présidence de l’atelier (Salomon dans sa chaire); b) un des trois assassins d’Hiram, en fait celui qui achève l’architecte.
Nous nous apercevons enfin que les lectures analogiques du Prologue, dans son sens symbolique, et celle du mythe d’Hiram, présentent des correspondances flagrantes. Certes, aucun miracle ne s’accomplira sans la volonté auquel l’âge du grade (sept ans et plus…) donne sa valeur et sa portée. Une nouvelle lumière éclaire l’inconscient.
Siècle des Lumières et Franc-Maçonnerie.
L’humanisme se développe au début du 18° siècle principalement en Angleterre où la Royal Society joua un rôle éminent. Dans ses Lettres philosophiques, Voltaire écrivait : “Tout prouve
que les Anglais sont plus philosophes et plus hardis que nous. Il faut bien du temps pour qu’une certaine raison et un certain courage franchissent le Pas-de-Calais”. Constatons le parallèle
chronologique entre cette nouvelle “voie royale de l’intelligibilité”, purement anglaise, et la création (purement anglaise elle aussi) de la franc-maçonnerie spéculative de
1717.
L’historicité de la Franc-Maçonnerie est ainsi intimement liée à celle de l’humanisme du Siècle des Lumières, générateur de rationalismes postérieurs comme le positivisme d’Auguste Comte, ce qui n’est pas le moindre des paradoxes. En effet, l’humanisme pris au pied de la lettre est une doctrine philosophique qui place l’homme et les valeurs humaines au-dessus des autres valeurs y compris celle du Mystère.
Or, le symbolisme, tel qu’il doit être compris dans la démarche mythique de la Franc-Maçonnerie, place justement l’homme devant le Mystère.
En fait, le paradoxe n’est qu’apparent. Isaac Newton, membre de la Royal Society, elle-même indirectement liée à la Franc-Maçonnerie (souvenons-nous de B. Franklin, à la fois membre de cette institution et Maçon), auteur des “Principes mathématiques de la philosophie naturelle”, introduit le concept de “Démiurge”, “l’Horloger”, expliquant le fonctionnement de l’Horloge-Monde à partir des lois immanentes et non pas transcendantes de l’univers, monde fabriqué une fois pour toutes et sans intervention ultérieure.
Ce qui est précisément le Mystère.
Il serait niais et stérile de réfuter en bloc l’héritage des Lumières. Mais force est de reconnaître que les doctrines philosophiques qui en découlèrent (positivisme, structuralisme, physicalisme, etc.) se sont évertuées à démontrer vainement l’indémontrable.
La Franc-Maçonnerie, pourquoi ?
Le développement de notre thèse nous invite à réfléchir au bien-fondé d’une démarche correctement comprise et pratiquée au sein de notre organisation. Quelle que soit l’époque, toute société a creusé sa tombe pour s’y coucher une fois morte.
Une éternelle palingénésie fait renaître le Phœnix de ses cendres jusqu’à ce que, à nouveau, il s’effondre et implose.
Sir Thomas More écrivait déjà au 16° siècle dans son Utopie :
“Que faites-vous donc, je vous le demande, que de fabriquer vous-mêmes les voleurs que vous pendez ensuite ?”
Nous nous fabriquons voleurs pour nous pendre ensuite, comble de l’absurde. Bateaux ivres sur l’océan de la vie, nous ne sommes souvent plus capables de trouver le bon cap.
Notre frère Jean Servier dans son “Histoire de l’Utopie” (13) soulignait avec justesse : "À quoi bon bâtir, philosopher, rêver, prier si l’homme n’est pas le but suprême de toute démarche et son bonheur sur terre mal assuré".
La question se pose alors de savoir en quoi consiste le bonheur de l’homme. La prédominance de la matérialité de notre siècle oblitère le vrai sens de la vie sans tenir compte de l’inter-influence constante entre les deux phénomènes existants : esprit et matière, et conduisant au renversement du rapport survalorisant la matière et rendant inutile l’approfondissement épistémologique (ou Théorie de la Connaissance) instituant une croyance en une Matière absolue, à la place d’un Esprit absolu, fondant ainsi de fausses bases à toute tentative d’explication.
Et cela reste l’origine même de la névrose dont nous parlions au début de cet exposé.
Dans toutes les traditions, le carré a été le symbole de la matière, le cercle, celui de l’esprit.
Dans notre tradition maçonnique, le carré est l’équerre, le compas, le cercle. Passer de l’équerre au compas pour “être relevé plus radieux que jamais” est réaliser cette transmutation de la matière à l’esprit.
La trinité maçonnique prend alors toute sa valeur symbolique. La dualité Esprit/Matière (Compas/Équerre) se fond dans le Verbe (V.D.L.S.) pour se reconstituer en un seul et unique élément : “Un le tout”.
L’homme debout (relevé) est symboliquement rétabli dans sa totalité psychique.
Vanité des vanités, tout est vanité, dit l’Ecclésiaste ; le serpent du Jardin d’Eden la symbolise. Cette vanité aveugle l’homme et l’entraîne dans un cul-de-sac, sur un chemin qui ne le mène nulle part.
Afin que sa vie ne reste pas un " grouillement d’intentions obscures ", l’être humain doit accéder à la clairvoyance de lui-même, doit procéder à un retour essentiel sur ce qu’il est : comprendre le sens même du cogito ergo sum, ne pas se limiter à dire :
"je pense donc je suis" mais se penser lui-même, réaliser que l’important n’est pas de savoir qu’il est, mais qui il est, et, d’étape en étape (les degrés successifs de l’initiation), de s’élever de façon évolutive jusqu’à l’homme, de construire l’édifice des valeurs (le Temple) aboutissant au niveau supérieur de l’esprit humain.
Le faux jugement porté inconsciemment sur soi-même conduit à une survalorisation (ou sous valorisation) de soi et au chaos. La vérité surconsciente occultée par la vanité illusoire, peut être découverte, et la satisfaction intense de soi-même n’est plus vanité, mais devient sérénité, ordre (Ordo ab Chaos).
Le surgissement de la culpabilité au regard intérieur, à l’introspection, est, elle aussi, créatrice d’angoisse ; la découverte de son fantôme (de son ombre) peut devenir traumatisante sur l’instant, mais c’est le prix de la plénitude.
Il faut être clair cependant.
L’analyse de l’aspect psychologique de la démarche maçonnique, telle que nous avons tenté de la démontrer, n’a jamais représenté en soi une forme de thérapie particulière soignant les troubles mentaux, les déséquilibres psychopathiques ou les dépressions profondes.
Mais l’espace sacré, constitué pendant la durée des travaux, est pour beaucoup une “aire de repos”, un espace clos où se confinent ceux qui poursuivent une quête semblable, une forme inconsciente de regresus ad uterum (de retour dans la matrice)… un but glorieux et ardemment escompté pour ceux qui ont erré et qui sont déçus (c.f. supra). Gardons-nous bien cependant d’hypostasier l’irrationnel comme beaucoup de dérives nous y invitent ! Restons les pieds sur terre !
La loge devient alors une vraie fraternité d’hommes ayant "laissé leurs métaux à la porte du temple" (l’ensemble de leurs pulsions inconscientes, de leurs angoisses, de toute forme d’inhibitions psychologiques, aussi bien de toute apparence sociale falsifiée).
À mi-chemin entre le zénith et le nadir, dans une position équidistante des quatre points cardinaux, devant les trois grandes Lumières que sont le Volume de la Sainte Loi, le Compas et l’Équerre, sous le regard muet de l’Œil inséré dans le Triangle, quinte partie de l’Étoile flamboyante, muni des outils symbolisés devenus ceux des bâtisseurs d’âmes, l’homme est invité à réfléchir.
Le Mystère est devant soi, ad vitam eternam. Aucune équation ne démontrera jamais l’existence de Dieu, ineffable sentiment au plus profond de soi-même, vision fugitive de la pierre caché annoncée dans le cabinet de réflexion.
Sans relâche, sans relâche :
Visita Interiora Terræ, Rectificando Invenies Occultum Lapidem !